COOPERA : une «AMAP » de 80000 adhérents

Coopera a démarré son activité en 2004 comme une coopérative financière offrant des services bancaires d’épargne et de crédit à ses sociétaires. Elle a commencé par 8 membres fondateurs et un capital total de 50 dollars[1] ! Tout ce qu’il y a de plus « normal » dans la finance populaire en Equateur. Jusqu’à 2009, Coopera comptait seulement 20 000 sociétaires et 150 employés, la coopérative a connu un développement spectaculaire depuis deux ans.

La direction comprend alors qu’elle dispose d’une diversité suffisante de sociétaires pour élargir son modèle et offrir un service de distribution solidaire aux agriculteurs et éleveurs. En effet les producteurs sont en nombre assez grand pour réunir un large éventail de produits de consommation courant et de bonne qualité. Ces producteurs subissent comme la plupart les prix « négociés » par la grande distribution ou les grosses multinationales de l’exportation de fruits et légumes. Coopera leur propose un engagement à acheter un montant prédéfini de leur production annuelle et à un prix équitable, plus élevé que le marché. La coopérative assure elle-même la distribution de ses produits, sans passer par des intermédiaires, permettant ainsi de proposer le produit des cultures et élevages à des prix avantageux aux sociétaires-consommateurs de la ville de Cuenca et de sa périphérie.

Un premier magasin est ouvert à Cuenca, il sert également de plateforme de stockage des produits venant de la montagne et de la côte. C’est très vite un succès. Coopera ouvre 5 magasins supplémentaire et construit une plateforme de distribution à San Joaquin, toujours près de Cuenca. Cette plateforme reçoit 1500 produits différents, des produits agricoles déclarée d’origine biologique (les produits n’ont pas de certification). Les produits sont vendus à des prix équivalent au prix du marché. Coopera prépare les produits reçus en vrac pour les commercialiser au détail et transforme des produits pour augmenter son offre : confitures, sauces, conserves.  Elle prouve ainsi que l’on peut proposer des produits sains à tout le monde et pas seulement aux plus aisés.

La visite d’un magasin de Coopera surprend par sa différence avec les autres magasins, généralement plus petits et sans self-service. Un nombre important d’étalages compte une variété de fruits et légumes, de produits carnés biologiques et un bon stand de poissons mais encore du lait, des conserves, et des huiles. Le magasin prend les airs d’un banal supermarché où l’on trouve de tout à un prix très abordable. Tout est étiqueté en double, un prix pour les sociétaires, un prix pour le public. La différence est de quelques centimes mais suffisante pour inciter à l’inscription.

Aujourd’hui, la coopérative compte 80 000 sociétaires dont 10000 producteurs et éleveurs, et elle emploie 500 personnes. Les surfaces agricoles cultivées sont en majorité de tailles très petites complétées d’exploitations de tailles moyennes. Avec le soutien de l’agriculture paysanne locale, la garantie d’un prix juste aux agriculteurs et aux consommateurs, et les valeurs de solidarité et de proximité véhiculées parmi les sociétaires, Coopera ressemble à nos AMAP[1] françaises (Association pour le maintien de l’agriculture paysanne), du moins dans les principes énoncés dans la charte des AMAP[2]. Il y a certes une différence importante, une AMAP associe directement un unique producteur à un groupe de consommateurs alors que la coopérative réunit l’ensemble des producteurs et des éleveurs et sert de relai dans la distribution au sociétaire-consommateurs. La coopérative offre un vrai service aux agriculteurs grâce à une ferme expérimentale construite à coté de la plateforme. Les employés testent des semences et des modes de culture biologique pour accumuler des savoirs qui seront transmis à toute la communauté des agriculteurs.

Avec l’UDIS, la coopérative espère renforcer son modèle, fidéliser et rassembler une plus grande clientèle. La pertinence d’une monnaie complémentaire sera plus grande pour les agriculteurs, quand ils pourront dépenser leurs UDIS pour l’achat de fournitures. C’est ce que compte faire la coopérative en intégrant la partie amont dans la chaîne de solidarité : les semences, le matériel et les intrants agricoles. Elle proposera des crédits à taux préférentiels si le sociétaire opte pour tout ou partie d’UDIS dans le montant du prêt. Les UDIS pourront être dépensés dans les magasins Coopera et dans les nombreux restaurants et autres magasins de la ville qui se fournissent à la Coopérative. Bientôt ils pourront aussi les dépenser dans l’un des restaurants Coopera, un premier à ouvert près de la plateforme.

Coopera n’a pas fini de se développer, le nombre d’agriculteurs-sociétaires s’accroit rapidement et les consommateurs sont attirés par les tarifs préférentiels offerts aux sociétaires. La coopérative a très bien compris comment répondre aux intérêts de ses membres. Proposer des produits biologiques, des prix bas, un soutien à l’agriculture paysanne, des microprojets financés par la communauté, ce modèle a de quoi nous inspirer pour développer l’agriculture paysanne et biologique en France et en Europe.