Les fondamentaux

Par essence, un projet de Monnaie Locale et Complémentaire (MLC) existe pour soutenir le développement de l’économie locale, en faveur des circuits courts et du développement durable.

Une MLC circule sur un quartier, une ville, un ensemble de communes ou même une région, mais surtout au sein d’un réseau de prestataires choisis (commerces et services de proximité, entreprises, producteurs et artisans locaux) qui répondent à des critères pour une économie plus locale, solidaire et respectueuse de l’environnement.

Les monnaies traditionnelles peuvent être dépensées n’importe où, quand la MLC agit comme un pense-bête qui nous rappelle « dépensons notre argent auprès de ceux que nous voulons voir grandir ». C’est ce qu’on appelle du buycott : on cherche à orienter les choix des consommateurs vers une consommation plus locale et responsable (à contrario du boycott).

La MLC flèche les flux monétaires vers des acteurs spécifiques qui s’engagent, en acceptant cette monnaie, à jouer pleinement leur rôle d’opérateur du développement local, à dépenser la MLC qu’ils encaissent au sein du réseau, révisant ainsi leur politique d’approvisionnement en favorisant des fournisseurs et partenaires locaux.

Des MLC aux objectifs différents

Toutes les MLC ne sont pas strictement identiques. Il ne s’agit pas de faire un copier/coller d’un territoire à l’autre. Une MLC est avant tout un outil pour répondre à une problématique économique locale donnée.

Il s’agit en amont d’identifier cette ou ces problématiques et de définir avec l’ensemble des parties prenantes « quelle économie locale souhaitons-nous demain pour notre territoire ». Comme le dit très justement Bernard Lietaer[1] « Décidons où nous voulons aller et construisons une monnaie pour nous y emmener ».

La MLC n’est pas le projet en soi, on ne construit pas une monnaie pour construire une monnaie, mais un outil pour servir un projet. Les MLC sont ainsi conçues presque sur-mesure ce qui explique leur si grande diversité.

Par exemple :

L’objectif principal du Sol Violette (métropole de Toulouse) est « expérimenter la mise en place d’une monnaie dans une démarche de recherche/action et d’éducation populaire »[2].

L’objectif de l’Eusko (Pays Basque), au-delà de la relocalisation de l’économie, est de promouvoir l’usage public de la langue basque (pour faire partie du réseau des prestataires il faut entre autres s’engager à mettre en place un affichage bilingue).

Sur l’agglomération les Lacs de l’Essonne, il s’agissait de rééquilibrer le rapport de force entre les petits commerces et services de proximité et les grandes surfaces qui attirent l’essentiel des consommateurs. Si les petits commerces continuent à mettre la clef sous la porte les uns après les autres, c’est le centre-ville qui meurt et avec lui le peu de vie de quartier et de lien social qu’il reste dans une des villes de banlieue parisienne les plus pauvres, qui ne se résumera bientôt qu’à ses cités, son RER et son Leclerc[3].

Au Honduras, la problématique économique est toute différente : le pays importe 100% de ses combustibles fossiles. Ces importations représentent une part importante du budget du pays, réduisant ainsi le pouvoir d’achat disponible pour les produits locaux. La MLC (los peces) de Yoro a été construite pour soutenir la production et consommation locale à petite échelle de biocombustibles[4].

Au Salvador, la petite ville de Suchitoto a imaginé un projet de MLC pour notamment reconstruire le lien social entre les communautés rurales et urbaines détruit par des années de guerre civile[5].

Ainsi, même si tous les projets de MLC se ressemblent, ils sont tous différents car conçus pour répondre à des problématiques et objectifs différents. Il est important de clarifier et prioriser les objectifs de la MLC afin de définir des indicateurs de succès pertinents pour une mesure de l’impact optimum.

 

[1] Bernard Lieater : ancien haut fonctionnaire de la banque centrale de Belgique co-fondateur de l’Euro et grand promoteur des monnaies sociales

[2] Entretien avec Andréa Caro mené par Anne-Cécile Ragot (mai 2016)

[3] Etude de faisabilité menée par Anne-Cécile Ragot et Matthieu Vachez (2012)

[4] Enquête terrain TAOA (2011) : http://www.taoaproject.org/monnaies-locales/honduras-projet-gota-verde/

[5] Enquête terrain TAOA (2011) : http://www.taoaproject.org/la-red-xuchit-tutut-el-salvador/une-monnaie-locale-pour-un-developpement-rural/

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