Contrôle de la monnaie
Le modèle de troc développé en Argentine est un modèle de troc multi réciproque, à savoir au moyen d’une unité de compte commune, une monnaie. Comment cette monnaie est elle contrôlée, distribuée ?
1. Eviter la falsification
Même si la falsification a été un problème mineur, les billets ont été protégés, par des tampons, des signatures, des écritures en relief, certains même avec du papier filigrane, ou des écritures UV. Toutefois certains billets n’étaient rien d’autre que du papier imprimé, facile à photocopier.
2. Mécanismes de contrôle de l’émission
Quels mécanismes ont été mis en place afin de vérifier que j’émets et je contrôle la quantité juste de monnaie dans mon club?
- L’oxydation :
L’oxydation consiste à intégrer la valeur temps dans l’argent: comme dans la nature, tout est soumis à la contrainte du temps, vieillit, s’abîme, sauf l’argent. Oxyder la monnaie permet de diminuer la valeur de la monnaie avec le temps afin d’éviter l’accumulation. Dans le troc argentin, l’oxydation se caractérise principalement à travers la péremption de la monnaie (six mois, un an) afin de récupérer les créditos périmés pour remettre en circulation des créditos neufs.
Ce mécanisme permet de contrôler le nombre de créditos en circulation, d’éviter l’accumulation (remplacement en nouveaux créditos jusqu’à un certain plafond) et de pousser les adhérents à consommer (logique du prosommateur)
- Le respaldo (l’étalon, le fonds de garantie) :
L’étalon, signifie que je peux émettre une quantité de papier monnaie en fonction d’une quantité de valeurs en réserve, la monnaie émise est adossée à une valeur réelle. Dans quelques clubs de troc, ce modèle a été reproduit. Le club détenait un fonds en pesos, ou en biens matériels voire en services afin de garantir la quantité de créditos émise. Ce qui permet de garantir la confiance dans le système et d’éviter la sur-émission. Mais l’étalon dans les clubs était souvent représentée par la seule confiance entre les membres afin de ne pas recréer un système bancaire classique (garantie physique face à l’émission de monnaie)
3. Le contrôle de la distribution
Bernal (RGT) a vendu sans contrôle, des kits de créditos (50 créditos pour 2 pesos argentins) a qui voulait bien les acheter. Et a ensuite monté son modèle de franchise sociale qui a démultiplié les ventes de créditos.
Dans les clubs non RGT, la distribution (nécessaire pour que chaque membre puisse commencer à échanger) de créditos avait lieu une seule fois : lors de l’inscription d’un nouvel adhérent, et sous conditions. Le nouvel entrant devait :
- Participer à une présentation introductive du club (la charla dela primera vez)
- Suivre une formation sur les principes de l’économie sociale et solidaire
- Produire pour recevoir les créditos (prosommateur)
- Venir à plusieurs férias (distribution en plusieurs fois du pécule d’entrée)
- S’inscrire sur la base de données des adhérents afin de prévenir toute fraude (éviter qu’un adhérent s’inscrive dans plusieurs nodos afin de recevoir plusieurs fois les créditos à l’inscription).
Le contrôle de la distribution, comme dans le réseau Mar y Sierras de la ville de Mar del Plata peut permettre de réguler le volume de créditos en circulation au sein d’un nodo en donnant plus ou moins de créditos à l’inscription selon le volume déjà en circulation. Le réseau a également mis au point une « chambre de compensation » permettant de réguler la circulation des creditos entre les nodos. Régulation possible dans le réseau Mar y Sierras uniquement grâce à leur organisation très structurée : consolidation des comptes au niveau du club, puis de la zone, puis de la région, et enfin du réseau.
En conclusion, le contrôle de la monnaie a été le vecteur principal de l’explosion des clubs de troc : expansion formidable via le modèle Bernal, modèle suicidaire d’ inondation du marché en créditos, implosion et chute suite à la perte de confiance d’une monnaie sur-émise et non contrôlée.