Tribune de TAOA pour la Tribune

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De l’alternatif à l’alternative

Quelle économie locale souhaitons-nous demain pour nos territoires ? Décidons où nous voulons aller et constr
uisons une monnaie pour nous y emmener. Une monnaie locale et complémentaire circule sur un territoire géographique défini, mais surtout auprès de prestataires choisis (commerces et services de proximité, entreprises, producteurs et artisans locaux) car répondant à des critères pour une économie plus locale, solidaire et respectueuse de l’environnement. Les euros peuvent être dépensés n’importe où, quand la monnaie locale agit comme un pense-bête qui nous rappelle « dépensons notre argent auprès de ceux que nous voulons voir grandir ».

Une trentaine de monnaies locales circulent déjà en France, mais leur impact économique est encore très marginal. Le projet le plus actif, l’Eusko, la monnaie du pays basque, représente 350 000 équivalent euros en circulation, 3000 utilisateurs et 600 prestataires. C’est peu ! Ce ne sont pas des petits projets associatifs que nous construisons mais de véritables alternatives économiques. Il est temps de leur donner les moyens de grandir.

Un projet de monnaie locale est un projet colossal. D’un côté, il faut développer et animer le réseau des prestataires, faire en sorte que chacun puisse trouver une façon de réinjecter la monnaie locale encaissée dans le système. De l’autre, il faut communiquer, sensibiliser les citoyens pour qu’ils adhérent au projet mais aussi pour qu’ils co-construisent la monnaie et ses règles, car ce sont avant tout des monnaies citoyennes. Sans oublier la gestion et le contrôle du dispositif monétaire (billets papier, monnaie électronique et/ou paiement par sms). Un véritable travail de fourmis.
Les acteurs des monnaies locales en France sont essentiellement des bénévoles, des militants engagés qui s’investissent sans compter pour explorer ce champ de l’innovation monétaire. Ils développement et partagent études, méthodologies, solutions techniques, outils pédagogiques … Au mieux, quelques rares projets, soutenus par les collectivités, réussissent à lever quelques centaines de milliers d’€ et à recruter une mini équipe. Mais cela reste insuffisant d’autant que leur mission n’est pas des moindres : relocaliser l’économie, rééquilibrer le rapport de force entre les grandes surfaces et les commerces et services de proximité, renforcer les échanges entre les acteurs économiques du territoire et créer un écosystème de partenaires locaux …

Ces projets n’arrivent pas financer leurs coûts de développement et passer à échelle. Ils reposent essentiellement sur des subventions, ce qui n’assure pas leur stabilité. L’agglomération Les Lacs de l’Essonne et ses partenaires travaillaient depuis plus de 3 ans sur un projet de monnaie locale, les billets étaient sur le point d’être imprimés quand le changement de mairie en 2014 en a décidé autrement.

Les monnaies locales doivent aujourd’hui trouver leur modèle économique!
Les monnaies locales sont une extraordinaire aventure humaine et un formidable outil d’éducation populaire pour repenser l’économie, mais ce sont aussi un excellent outil de communication et de fidélisation pour les prestataires du réseaux. Si les monnaies locales parviennent réellement à flécher plus de clients vers les prestataires, une monétisation de ce service serait parfaitement envisageable et légitime. Il ne s’agit pas de faire des profits mais bien de générer des revenus à réinvestir dans le projet.
Les monnaies locales sont par essence des projets socialement équitables et écologiquement responsables, elles doivent devenir économiquement viables pour assurer leur développement.

Anne-Cécile Ragot, Présidente de l’association TAOA