Diversité et richesse des dispositifs.
On assiste aujourd’hui à une multiplication des expériences de « monnaies complémentaires ». Souvent, on voit circuler le chiffre de « plus de 5.000 initiatives de par le monde ». Au delà de ce chiffre, on remarque que les expériences sont très diverses. De fait, chacune d’entre elle est mise en oeuvre en réponse à une situation particulière, un enjeu spécifique.
Dans certains cas, il s’agit de développer les échanges économiques interentreprises (WIR, Suisse), ou le développement local (Chiemgauer et Regios, Allemagne). Dans d’autres, la monnaie organise une réponse à des problématiques sociales : (Fureai Kippu, Japon, Time Banking, Angleterre et USA). Ailleurs, elle permet des échanges là où la monnaie est trop rare (Clube de trueque, Argentine) ou développe l’emploi et l’économie solidaire (Bancos comunitarios, Brésil). Enfin, le réseau des villes et territoires en transition propose des monnaies complémentaires comme outil de « résilience » par la localisation de l’économie (Brixton ou Totnes, Angleterre).
Leurs objectifs.
Monnaies à vocation économique
- L’objectif est de développer les échanges économiques et commerciaux, de faire tourner l’économie, de favoriser l’activité des entreprises impliquées dans le réseau où la monnaie complémentaire circule.
- Ces monnaies à vocation économique peuvent être sociales et solidaires, c’est à dire de créer de l’emploi et de l’activité, de promouvoir (par leurs modes de fonctionnement et de circulation) le développement d’une économie locale et/ou fondée sur des valeurs écologiques et sociales (regard sur les objectifs de l’activité économique / nature de la production / modes de production).
- Mais il existe également des monnaies que l’on pourrait qualifier de « privées ». Les « cartes de fidélité » que l’on nous propose dans tous les magasins procèdent également d’une démarche de type « monnaie complémentaire » : on vous offre des points, un petit plus en termes de pouvoir d’achat, un « outil monétaire » que vous pourrez utiliser en paiement d’un produit. En contre‐partie, de fait, vous donnez votre préférence à cette entreprise, et vous contribuez au développement de son activité économique, en allant dépenser prioritairement chez elle.
Monnaies à vocation sociale
- Favoriser les échanges de services entre personnes : échanges de temps et de savoirs ; (par exemple les monnaies utilisée dans les SELs, les « grains de sel » dont le nom varie selon le SEL.).
- Renforcer la solidarité, le lien social : favoriser l’entraide et la solidarité, favoriser l’intergénérationel, l’inclusion de tous, développer une culture du vivre ensemble, ….
- Apporter un appui aux personnes pour des consommations spécifiques : C’est le cas de ce qu’on appelle les monnaies « affectées », ou encore tous les titres (déjeuner, culture, livre, bons alimentaires) qui sont donnés à une population spécifique (les salariés de l’entreprise, les jeunes, les personnes en situation de précarité), pour une utilisation spécifique.
- Valoriser et promouvoir des comportements solidaires et/ou écologiques en leur accordant une visibilité et en les intégrant dans des circuits d’échange par cet outil monétaire, etc…
Leur unité de compte.
Une unité de compte qui fait référence à la monnaie officielle (une unité de monnaie complémentaire = un euro).
- C’est le cas pour la majorité des monnaies à vocation économique, puisqu’elles côtoient la monnaie officielle dans l’activité, et que les références économiques sont en monnaie officielle.
- C’est également le cas des monnaies affectées (qui sont directement libellées en euros).
Une unité de compte en « temps »
- C’est le cas de la majorité des monnaies à vocation sociale.
Une unité de compte basée sur un produit
- C’est le cas par en particulier de certaines propositions de monnaie complémentaire au niveau mondial, comme le Terra, proposé par Bernard Lietaer (une monnaie pour les échanges de biens entre entreprises), qui s’appuie sur un panier de matières premières, ou encore des points de compensation carbone, et droits à produire.
L’architecture monétaire (et les modalités de « création » monétaire)
Monnaies gagées sur les monnaies officielles :
- Cela concerne principalement les monnaies complémentaires circulant dans la sphère des activités économiques.
- Il n’y a pas de création monétaire en soi, mais une orientation de la monnaie officielle vers des activités particulières. La monnaie complémentaire est « achetée » avec de la monnaie conventionnelle, elle peut être reconvertie, selon certaines conditions.
- De fait, c’est un « tampon » apposé à la monnaie pour diriger son utilisation.
- Exemples : Monnaies affectées /Monnaies locales comme le Chiemgauer, etc…
Monnaies de crédit mutuel.
- La monnaie est créée « tout simplement » par l’échange de biens ou de services entre participants (crédit / débit des comptes correspondants, équilibre général du système)
- Cette création est en lien étroit avec l’activité elle‐même car sa création se fait sur la base d’un échange de biens ou de services réels.
- Exemples : Systèmes à base temps (comme les SELs), mais aussi systèmes à vocation économique d’échanges inter‐entreprises comme le Wir et les systèmes Barter.
Monnaies émises par un « agent ».
- Ce sont des monnaies « d’impulsion », on injecte une certain montant de masse monétaire pour permettre que les échanges se fassent, ou à tout le moins qu’ils démarrent en donnant à chacun la possibilité de faire la première transaction.
- C’est le cas de certains cercles d’échange où chacun se voit recevoir, à son « entrée », un certain nombre de points. C’est le cas également, dans une certaine mesure, des cartes de de fidélité classiques (où la distribution de points se fait en fonction du volume de consommation, et cette monnaie est « détruite » si les points ne sont pas utilisés).
La gouvernance ou le contrôle de la monnaie.
- « Une monnaie est un accord, au sein d’une communauté, qui choisit un objet standard comme moyen d’échange. »
- Cette définition met en avant le mot communauté : la communauté de personnes et d’entreprises au sein de laquelle la monnaie circule, souvent engagées dans le processus au travers d’une « charte » de valeur, spécifiant la communauté d’intérêt des adhérents/signataires.
- Elle fait également ressortir la question de la confiance = comment se définit l’accord entre les individus, au sein du groupe ? Comment se crée la confiance ? quelle organisation sociale la garantit ?
- Dans toutes les expériences de monnaie sociale complémentaire, la question de la gouvernance, de la participation de tous les acteurs concernés dans la définition des objectifs, du fonctionnement, et puis dans le contrôle et la régulation du système est essentielle, afin de construire une confiance partagée et de disposer en permanence d’un outil au service du projet. (en portant une attention constante afin d’éviter une nouvelle fétichisation de l’outil en lui même).
- La « communauté d’intérêt » est le plus souvent organisée en groupe informel ou formel, associatif ou coopératif. On y retrouve généralement les formes de gouvernance coopérative (collèges d’adhérents, un adhérent = une voix, buts non lucratifs, solidarité entre les membres, objectifs de développement durable, promotion de la démocratie participative, etc.
Retrouvez l’intégralité du Cahier d’Espérances Richesses et Monnaies)